7 rue Froissart: Raphaëlle Bertran, 'Mappa Mundi'

19 - 25 Octobre 2025 

La série « Mappa Mundi » naît d’un désir de cartographier une mémoire archaïque, diffuse, latente. Dans ces toiles, rien ne se fixe : la matière sombre, dense, est traversée de lumières brutales, de silhouettes schématiques ou d’animaux spectres. Ce ne sont pas des représentations mais des apparitions fragiles, surgissant de la matière avant de s’y dissoudre. La peinture devient alors un lieu de seuil, où le monde se laisse deviner dans l’instant de son émergence. Au cœur de ce travail, il y a le motif de la brèche, de la fissure. Comme les hommes préhistoriques qui projetaient leurs images dans les crevasses des grottes, reconnaissant dans ces fentes une puissance d’engendrement, les toiles cherchent dans la faille un passage vers l’invisible. La grotte, comprise comme un organe, une matrice, la “mère des animaux”, offre une analogie puissante : la peinture elle aussi se fait cavité, lieu d’apparition, ventre obscur d’où les formes adviennent. Chaque éclat de couleur, chaque fracture de la surface ouvre un accès vers un ailleurs, à la fois archaïque et symbolique. Cette dimension rejoint un rapport intime à la littérature. « Les poètes m’aident à aller plus loin. Ils me permettent d’entrer dans un autre territoire », disait Francis Bacon. Ici, Sebald, Celan, Fondane, Michon — mais aussi la philosophie de Lukács — constituent autant de fissures ouvertes dans le langage. Leurs voix ne fournissent pas d’images, mais un rythme, une densité, une façon de faire apparaître le monde par éclats énigmatiques. Comme chez eux, la peinture ne raconte pas : elle creuse. Elle révèle que le langage de l’art est toujours un langage fragmentaire, énigmatique, où le sens n’est pas donné mais se cherche dans les intervalles. Ainsi, « Mappa Mundi » n’est pas une cartographie du réel mais une géographie de l’invisible. Elle explore ce moment archaïque où les images naissent dans les fractures de la matière et de la mémoire. Entre cosmos et grotte, entre souvenir et oubli, la peinture trace ses propres cartes : non pas pour décrire un monde, mais pour permettre au spectateur d’éprouver l’expérience de l’apparition.

 

The Mappa Mundi series was born from a desire to map an archaic, diffuse, latent memory. In these canvases, nothing is fixed: the dark, dense material is traversed by harsh lights, schematic silhouettes, or ghostly animals. These are not representations but fragile apparitions, emerging from the material before dissolving into it. Painting then becomes a threshold, where the world can be glimpsed in the moment of its emergence. At the heart of this work is the motif of the breach, the fissure. Like prehistoric man who projected his images into the crevices of caves, recognizing in these cracks the power of generation, the canvases seek, in the fault lines, a passage to the invisible. The cave, understood as an organ, the womb, the “mother of animals,” offers a powerful analogy: painting itself is a cavity, a place of apparition, a dark womb from which forms emerge. Each burst of color, each fracture in the surface, opens a gateway to another place, both archaic and symbolic. This dimension connects with an intimate relationship with literature. “Poets help me go further. They allow me to enter another territory,” said Francis Bacon. Here, Sebald, Celan, Fondane, Michon—but also Lukács’s philosophy—constitute many open fissures in language. Their voices do not provide images, but a rhythm, a density, a way of making the world appear in enigmatic bursts. As with them, painting does not narrate: it digs. It reveals that the language of art is always fragmentary and enigmatic, where meaning is not given but is sought in the intervals. Thus, Mappa Mundi is not a cartography of reality, but a geography of the invisible. It explores that archaic moment when images are born in the fractures of matter and memory. Between cosmos and cave, between memory and oblivion, the painting traces its own maps: not to describe a world, but to allow the viewer to experience the apparition.

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